Lundi 15 avril : Nantes, Shannon, Limerick

Cette année, c'est de Nantes que nous partons. Notre avion décolle à 19h15, puis survole les îles bretonnes que nous connaissons bien pour les avoir arpentées au cours de ces derniers hivers : Groix, Belle-Ile, Houat et Hoedic... Nous apercevons la presqu'île de Crozon, celle de Roscanvel, la rade de Brest, et même les étangs de St-Renan, tout près de chez Antoine. 

Nous atterrissons à Shannon à 19h50 heure locale, c'est à dire une heure de moins qu'en France. Je mets tout de suite ma montre à l'heure : nous avons déjà eu des problèmes avec le décalage horaire en Roumanie (voir le journal de bord correspondant) et nous n'avons pas envie de recommencer. 
Nous louons une voiture sur place, ajoutant au tarif prévu une assurance supplémentaire qui triple le prix de la location. C'était le loueur le moins cher du marché, je me suis méfiée, mais visiblement pas assez... Notre compagne de voyage est une chouette petite Yaris rouge, avec bien sûr le volant à droite ! Nous avions déjà goûté à la conduite britannique en Ecosse il y a deux ans, avec quelques difficultés au moins au début. Mais cette fois-ci, rouler à gauche ne me pose aucun problème ! Nous voilà partis pour Limerick par la 4 voies. 

Nous nous arrêtons quelques kilomètres avant la ville, pour dîner au pub Durty Nellies, comme nous l'a conseillé Agnes, notre logeuse de ce soir. L'endroit s'avère être le plus vieux pub d'Irlande, au pied du château de Bunratty. Il y règne une chaleureuse ambiance de vieille auberge, avec des salles basses qu'on verrait volontiers enfumées par les volutes échappées de la cheminée... Pour un peu, on se croirait revenus au Moyen Age ! En harmonie avec le lieu, Antoine goûte la Guiness, la fameuse bière noire d'Irlande. Responsable de notre arrivée à bon port, je reste à l'eau : si la conduite à gauche revient bien, elle nécessite encore beaucoup de concentration. 

Un peu plus tard, nous arrivons à destination, chez Agnes, juste à côté de Limerick. Après tous les mails qu'elle et moi avions échangés, c'est de façon très sympathique que nous sommes accueillis. 

Mardi 16 avril : de Limerick à Killarney

Avant de partir, Agnes nous fait déguster notre premier petit déjeuner irlandais ("irish breakfast" pour les intimes) ! Le même que le "cooked breakfast" écossais, en réalité. Et le même aussi que le petit déjeuner anglais. Mais maintenant que nous le connaissons, nous en raffolons ! Œuf poché, bacon, saucisses, pudding blanc et pudding noir, tomates... Il y a de quoi être calé pour la journée !

Rassasiés, nous prenons la direction de Killarney, dans le Kerry. En cours de route, nous faisons une pause à Adare, petite bourgade touristique où nous explorons les vestiges d'un couvent d'augustins et profitons de la fraîcheur irlandaise au bord de la rivière qui traverse le village.
Il est midi largement passé quand nous nous garons à Killarney, qui est en fait une ville hyper touristique : calèches pour faire le tour du lac, vitrines de souvenirs, cartes postales devant tous les magasins... 

A côté de Killarney se trouve un parc très sauvage, autour du Lough Leane, un immense lac que nous découvrons d'abord depuis le Ross Castle. Le site est assez touristique. Mais plus nous nous éloignons sur la péninsule de Ross, et moins nous croisons de monde. Il fait un temps superbe, la lunette et les jumelles sont de sortie. Nous pique-niquons un peu plus loin, entourés de mésanges noires et de mésanges à longue queue. Au menu, sandwiches au jambon, au cheddar et au pâté de canard : comme pique-nique local, on a goûté pire ! 
Les chemins sont un peu frais, mais il vaut mieux ne pas s'en écarter car toutes les zones basses sont marécageuses.



En fin d'après-midi, nous partons pour Muckross, où nous explorons un couvent franciscain en ruines. Il n'en reste que les murs, mais c'est presque un labyrinthe. Comme beaucoup d'autres églises que nous verrons plus tard, celle-ci est incluse dans un cimetière : c'est à dire qu'il y a un cimetière autour de l'église, mais aussi que plusieurs tombes (et pas les plus anciennes) se trouvent également dans l'église. 
Il existe apparemment d'autres zones d'observation ornithologique dans le secteur, qui donnent sur le lac, mais nous ne les trouvons pas, et il est temps de reprendre la route si nous voulons rejoindre notre B&B pas trop tard. 

 Direction Beaufort et Killorglin. Des problèmes de cartes pas assez précises ou égarées dans le sac et de lieux-dits non indiqués (une plaie pour se repérer en Irlande) nous font faire un peu plus de route que prévu, mais nous arrivons finalement à Farmstead Lodge où nous accueille Eilenn, notre sympathique hôtesse. 
Sur ses conseils, nous partons dîner au Bunker, un pub de Killorglin. Cette fois, c'est le type même du pub de bourg. On y trouve des gens du coin qui viennent y passer la soirée une Guiness à la main en regardant un match de foot sur les grands écrans, ce qui n'est pas pour nous déplaire (la Guiness, le match de foot et l'ambiance très locale).

Mercredi 17 avril : Ring of Kerry

Pour aujourd'hui, nous avons prévu une rando en montagne avec l'ascension du Carauntoohil, le plus haut sommet d'Irlande (1041 m). Mais il a fait un temps affreux toute la nuit (pluie, vent) et ça continue. Eilenn nous déconseille d'aller dans la montagne, de l'air de dire que, quand il pleut comme ça, il y a vraiment de l'eau partout. Pour avoir une idée plus précise de l'humidité, Antoine lui demande si les rivières peuvent passer par-dessus les chemins... "Oui, répond-elle, c'est possible." Aïe. 
Nous tentons quand même, mais la route vers Cronin's Yard, notre point de départ, est déjà inondée un peu partout. Le départ de la rando lui-même est carrément sous la rivière. Ce n'est même pas la peine d'essayer, nous rebroussons chemin.


Eilenn nous a parlé d'un parcours balisé dans le Gap of Dunloe, un genre de défilé entre des montagnes au sud de Killarney. C'est très joli : les pentes sont assez escarpées, l'eau court partout. A un endroit, le lac que longe la route a débordé et passe par-dessus la chaussée. Comme je n'ose pas m'y engager, nous laissons la voiture un peu avant le passage délicat et partons faire quelques pas dans la montagne. Mais le sol est complètement détrempé, la moindre dépression est un marais tourbeux où on s'enfonce de 5 cm. Sans compter les torrents, qui sont sortis de leurs lits. Il est difficile d'aller bien loin. 



Nous avons vu plusieurs voitures traverser la route inondée, c'est donc que c'est possible : Antoine prend le volant pour continuer dans les gorges du Gap of Dunloe. Ca viroune, ça monte, ça descend... Quelques virages plus loin, nous garons la voiture pour tenter un nouveau circuit pédestre visible sur la carte. A un embranchement, nous apercevons notre chemin de retour : il est franchement sous l'eau !! Nous ne ferons donc qu'un aller-retour... Nous croisons plusieurs passereaux, dont des tarins des aulnes, et des agneaux nouveaux-nés qui tiennent tout juste sur leurs pattes. Il recommence à brumer alors nous nous arrêtons pique-niquer un peu à l'abri dans un bois de conifères avant de rebrousser chemin. Le vent souffle en tempête mais le pire de la pluie a attendu que nous soyons à l'abri dans la voiture... Ouf ! 

Notre route nous mène ensuite sur la côte sud de la péninsule du Kerry, sur le fameux "Ring of Kerry". Les routes sont étroites, les paysages à la fois sauvages et touristiques (il y a de nombreux B&B), nous passons parfois au bord de la mer. La pause suivante est à Sneem, un bourg où est passé le général de Gaulle en 1969. Entre la stèle qui commémore cet évènement et la statue du général vue à Bucarest l'an dernier, le thème gaulliste devient récurrent ! 
Nous nous arrêtons encore à quelques endroits indiqués comme ornithologiquement intéressants, mais le temps ne s'arrange pas et il est difficile d'observer quoi que ce soit entre les vagues qui bougent avec la lunette et les jumelles qui bougent aussi. La voiture elle-même est ballotée par le vent. Malgré tout, Antoine identifie un plongeon imbrin à Waterville, une petite station balnéaire au sud-ouest de la péninsule. 
De retour près de Killorglin, nous cherchons un chemin d'accès à la baie, dans l'espoir d'y voir quelques oiseaux. En vain. 

Ce soir, nous dînons à nouveau au Bunker ; la serveuse nous reconnaît, nous passerions presque pour des habitués... Nous délaissons la Guiness pour la Smithwick's, une bière rousse plus légère (ce n'est pas difficile).

Jeudi 18 avril : de Killorglin à Doolin

Ce matin, nous quittons Killorglin en direction des îles d'Aran. Nous repassons par la baie et les marais avant de contourner le Castlemaine Harbour (avec quelques kilomètres supplémentaires pour cause de pancartes incomplètes) et de nous retrouver sur la péninsule de Dingle. Nous faisons une pause près d'une plage, à Inch, dans l'espoir de voir quelques oiseaux. Mais il n'y a pas grand chose (bernarches, tadornes) hormis un vent de fou !! Le sable vole entre les dunes, s'infiltre dans la voiture, dans les yeux et entre les dents. 


Nous traversons la péninsule de Dingle et gagnons la côte nord. Le vent ne faiblit pas. 
Nous déjeunons à la base de loisirs de Tralee. L'accès au marais tout proche est payant, dommage. Notre route nous mène ensuite à Ballyheige Bay où, selon notre guide des sites ornithologiques d'Irlande, les oiseaux marins abondent. En fait d'oiseaux marins, c'est un unique faucon crécerelle que nous apercevons, entre les dunes et les mobilhomes du camping désert en cette saison. Glauque et décevant.

Nous parvenons enfin à Tarbert, où nous devons embarquer pour traverser la River Shannon. Comme nous sommes un peu en avance, nous avons le temps d'observer les tant attendus limicoles qui peuplent les vasières près du port : huîtriers et chevaliers gambettes. Enfin, "peuplent", c'est vite dit : quand on arrive à voir 5 oiseaux de la même espèce, c'est un exploit. Quelques sternes caugek également. Sur la River Shannon, ce sont des pingouins torda et des fulmars boréaux que nous croisons.
Le ferry transporte aussi tout un bus de... Charentais !! L'accent et les expressions inimitables nous font immédiatement reconnaître des compatriotes...

Nous débarquons à Killimer, et là, nous commençons par chercher une station-service car il ne reste plus grand-chose du plein fourni avec la voiture. La première station, au bout du débarcadère, est fermée jusqu'à nouvel ordre. Qu'à cela ne tienne, nous filons vers Kilrush, qui semble un bourg important. Là, nous traversons la ville sans apercevoir une seule pompe. Notre réservoir est presque vide, mais plutôt que finir de le vider en chercher une incertaine station dans cette ville, nous préférons partir pour Kilkee, à 13 km. D'après la carte, c'est une bourgade un peu plus petite, mais pas encore un village. On devrait pouvoir y trouver une station-service.
Peu après, le voyant de la réserve s'allume, nous n'avons plus que 8 km d'autonomie, 5 km, 3 km, 0 km... Nous nous arrêtons. Une dame nous indique aimablement la seule station du patelin. Nous nous y rendons pleins d'espoir (à défaut de carburant), mais elle est fermée... En fait de station, c'est une pompe posée sur le trottoir devant un garage. Un gars interpelé par Antoine lui explique que le pompiste est aussi pompier, et qu'il part souvent, laissant la station fermée pour une durée indéterminée. Il faut retourner à Kilrush où il y a... quatre stations !!! Entre nous, elles doivent être bien cachées... 13 km sur la réserve, nous espérons tenir. La première station croisée est bien sûr fermée. Une autre dame nous indique la station la plus proche, sur la route d'Ennis. Cette fois, c'est la bonne, la station est ouverte ! Ouf, sauvés. 
Il y a plusieurs autres stations juste à côté : c'est juste qu'elles étaient toutes concentrées sur une autre route que la nôtre...

A la sortie de Kilrush, nous tournons un peu en rond dans la campagne en essayant de regagner la route de la côte, qui n'est pas celle d'Ennis. Notre carte d'Irlande n'est décidément pas adaptée à la navigation sur routes départementales... Nous devons nous résoudre à passer par Ennis. De là, nous filons vers Doolin. Avec notre histoire de carburant, il est trop tard pour chercher à voir des oiseaux ou pour passer par les falaises, les célèbres "Cliffs of Moher". Nous verrons tout ça à notre retour des îles d'Aran. 

Nous sommes accueillis de façon sympathique à l'auberge de jeunesse (AJ, pour les habitués) de Doolin. Le tenancier nous envoie dîner au pub O'Connor, un pub bien traditionno-touristique qui est plein de Français (des Picto-Charentais précisément). Un groupe y joue de la musique traditionnelle irlandaise. Quant aux serveurs, ils n'ont pas de temps à perdre, ça doit débiter. Nous regrettons un peu le Bunker de Killorglin...

Vendredi 19 avril : de Doolin à Inishmore

A l'AJ de Doolin, le petit déj est continental : c'est très ordinaire comparé à un irish breakfast. Ensuite, en route vers l'embarcadère. En attendant le bateau, nous faisons quelques pas sur les dalles du bord de mer. Cela ressemble à une immense couche de lave qui aurait été découpée en morceaux avec une pelle à tarte crantée... 


Peu après, nous embarquons sur le ferry qui va nous mener à Kilronan, le port principal d'Inishmore. Inishmore est la plus grande des îles d'Aran, elle est aussi la plus lointaine. Nous longeons Inisheer, puis Inishmaan avant d'y parvenir. Nous croisons de nombreux oiseaux : fulmars, guillemots de Troïl, puffins des Anglais, pingouins, fous, cormorans, goélands et même des guillemots à miroirs. 

A Kilronan, nous louons des vélos, plus pratiques car l'île est vaste. Nous trouvons notre logement, une sorte de micro-AJ au fond d'une impasse, puis partons en exploration la carte de l'île à la main. Nous nous arrêtons au bord d'une lagune pour quelques observations, puis pique-niquons dans les cailloux du bord de mer, dans un recoin à l'abri du vent (pas facile à trouver). En fait, le littoral est constitué de plages et de dunes de galets, c'est impressionnant. Les îles d'Aran ne sont d'ailleurs que des tas de cailloux posés sur des plaques de rochers... 


Nous poursuivons notre route par une ancienne usine d'iode (en ruines) près de la "seal colony" où nous observons  jusqu'à 7 phoques en même temps ! Plus loin, nous visitons le Dùn Aonghasa, une forteresse occupée en gros de 1000 av.J.C. à 1000 ap.J.C., formée de plusieurs murailles en pierres sèches concentriques. Enfin, concentriques... sauf du côté de la falaise : 80 m d'à-pic, c'est une protection suffisante. 


La visite suivante est celle d'un ensemble monastique appelé "les Sept églises". Ce sont en réalité les ruines de bâtiments monastiques et de deux églises, le tout au milieu d'un cimetière. Ou plutôt, c'est une imbrication de pans de murs et de tombes, dont beaucoup ont été creusées à l'intérieur même des bâtiments. Si les ruines sont médiévales (certaines datent du VIIIe siècle), plusieurs tombes sont de la fin du XXe. C'est un peu glauque, mais finalement moins morbide que nos cimetières français. 


Ces "visites de cimetières" m'amènent à une petite réflexion sur le rapport entre ruines et mort en Irlande et plus généralement sur les îles britanniques...
Dès le début de l'ère chrétienne, il est de bon ton de se faire enterrer au plus près des reliques d'un saint (contenues dans l'autel de l'église) : donc de préférence dans l'église, si possible au ras de l'autel, sinon à l'extérieur mais le plus près possible des murs de l'église. On croit ainsi faciliter l'intercession du saint en faveur du défunt. En France, cette tradition s'est perdue quand on a déménagé les cimetières loin des centre-villes (et donc des églises) aux XVIIIe-XIXe siècles, ce pour des raisons de salubrité. Mais en Irlande, il semblerait que cette tradition se soit perpétuée. Car, même quand l'église est en ruines, il est bien possible que les reliques soient encore présentes dans l'autel... 
Il semble aussi que ces reliques confèrent une certaine sacralité au lieu, sacralité qui perdure même quand le lieu saint a disparu. A Inisheer, le cimetière a continué d'exister autour d'une église qui avait été ensevelie sous une dune. Pendant des siècles, cette église a été cachée, mais le souvenir d'un lieu sacré avait dû se maintenir puisque le cimetière se trouvait toujours là ! 
On peut noter également que les tombes sont placées de manière à ce qu'il soit impossible de circuler sans marcher dessus, ce qu'on évite généralement de faire en France, soit-disant par respect pour les défunts. C'est encore plus vrai quand les tombes sont dans les églises. A l'extérieur, même dans des cimetières récents, les emplacements des tombes ne sont souvent indiqués que par une pierre tombale verticale. Le reste est recouvert de gazon ou de gravier : on ne se pose même pas la question de savoir si on marche au-dessus d'un squelette ou pas. Rien d'irrespectueux là-dedans : en fait, il s'agit d'un signe d'humilité ; les gens acceptent de se faire piétiner pendant toute leur éternité... Cela se faisait en France jusqu'à l'époque moderne et le déménagement des cimetières : j'avais observé ce phénomène à Melle, dans l'église St-Savinien, où la nef est pavée de tombes du XVIIIe siècle. C'est une tradition que les Irlandais ont conservée.
Enfin, les Britanniques ont un rapport particulier à la ruine. En France, un bâtiment en ruines l'est franchement, couvert de lierres et de ronces, inaccessible, ou bien il est réhabilité, on lui refait alors une couverture et on l'aménage pour l'ouvrir au public. Là-bas, la ruine est simplement entretenue ; le haut des murs est cimenté pour éviter l'infiltration de l'eau, et le pourtour est nettoyé (souvent engazonné). Nous avions déjà noté cela en Ecosse et les images d'abbayes anglaises sans toit, au milieu d'un gazon parfait, sont légion. Glastonbury en est un exemple connu.
Cela rappelle les jardins à l'anglaise du XVIIIe siècle, qui était constellés de ruines factices. Cette architecture paysagère découlait d'un certain romantisme dans lequel la ruine symbolisait le temps, l'éternité, et devait rappeler la finitude de la vie et la venue inéluctable de la mort. A la même période, en France, nous sortions tout juste de la grande époque des jardins à la française, avec les haies de buis tracées au cordeau. Autre terre, autre culture !
Dans ces conditions, ces cimetières irlandais imbriqués dans des ruines sont tout à fait compréhensibles...

Après cette parenthèse, retour au terrain (accidenté) d'Inishmore. Car les côtes sont raides ; nos fesses et nos cuisses s'en souviendront. Nous retraversons l'île pour rejoindre une falaise que nous soupçonnons pleine de piafs. Pas de chance, nous sommes arrêtés par deux femmes qui nous expliquent qu'un film se tourne ici et qu'on ne pourra y accéder que dans une demi-heure. Tant pis, nous filons vers le village. La descente est caillouteuse et cahoteuse, on ne peut même pas en profiter. 


Nous faisons quelques observations dans la baie et depuis la digue, nous apercevons surtout des plongeons et des guillemots à miroirs. 

Nous dînons dans un pub du bourg : nous sommes seuls dans une salle avec les gens du film, les habitués étant dans la salle d'à-côté...

Samedi 20 avril : d'Inishmore à Inisheer

Petit déj' à notre "hostel" (qui s'appelle Aran Lodge ou Artist's Hostel, ça dépend des fois) en compagnie d'un Allemand qui mange des tartines de cheddar fondu et grillé. Chacun ses goûts, n'est-ce pas ?
Nous descendons ensuite vers le village pour quelques emplettes : timbres, cartes postales, ravitaillement pour le pique-nique et pull en laine de moutons des îles d'Aran (moutons qu'on a cherchés en vain). Nous faisons un petit tour de la baie avant de rendre les vélos et de reprendre le bateau, direction Inisheer. 


Là, nous restons à pied car l'île est plus petite. Il y a pourtant un loueur de vélos. Plusieurs charrettes proposent aussi leurs services pour visiter l'île, comme sur Inishmore.
Nous trouvons assez vite notre logement, un B&B qui fonctionne avec une AJ pleine d'ados, le tout juste à l'entrée du village. Heureusement, car nous aurons l'occasion de nous rendre compte que le village est beaucoup plus étendu qu'on ne le croit... 

Comme à Inishmore, nous sommes en possession du plan touristique de l'île. Nous allons donc la visiter méthodiquement. Première étape à l'église Cill Gobhnait (en ruines, cela va de soi), puis déjeuner près de la "seal colony" en cherchant un abri contre le vent : les journées se suivent et se ressemblent. La seule différence, c'est le nombre de phoques visibles aujourd'hui : il n'y en a qu'un seul, et il a fallu attendre longtemps avant de le mettre dans les jumelles. 
Le tour de l'île se poursuit avec une fontaine sacrée, des dunes de cailloux, des murs de pierres et des champs de dalles rocheuses. A croire que des cailloux, il en pousse, par ici. Nous grimpons jusqu'au château des O'Brien, qui jouxte une tour XVIIIe du plus moche effet, avant de pousser jusqu'au phare. Nous revenons en longeant l'estran dominé par une épave rouillée de paquebot. C'est là que nous observons un Tournepierre à collier (enfin LE Tournepierre irlandais). 



En revenant vers le bourg, nous passons par un étang où s'entraînent des rameurs. La course de bateaux à rames semble être le sport local, il y a plein de photos qui montrent des rameurs dans le pub du village. Un peu plus loin, la carte indique un port de pêche ; mais les seuls pêcheurs sont des cormorans fièrement campés sur la jetée. A l'entrée du village se trouve le terrain de "footby", entendez un terrain de  foot dont les buts sont prolongés verticalement pour former des poteaux de rugby. Pratique !
Juste à côté, nous croisons un Grand Gravelot posé sur un tas de pierres. L'obs est d'autant plus intéressante qu'il est fort probable que le tas de pierres soit les ruines de l'église St-Pol. Du moins, sur le plan, elles devraient se trouver à cet endroit... Nous terminons la visite par un tumulus préhistorique transformé en église au Moyen Age, puis recouvert par une dune, et enfin redécouvert au XIXe siècle quand une violente tempête a balayé le sable. 
Il nous manque cependant l'église St-Kevin, le patron de l'île. D'après notre plan, elle se trouve non loin du cimetière, sur la dune. Notre expérience des églises-cimetières confirmerait cela, mais nous avons beau regarder dans le cimetière aux jumelles depuis la colline au-dessus, rien. Nous tournons un peu autour, puis renonçons. Tant pis. 

Nous dînons au pub du village, parmi les habitués. Comme à Killorglin, la télé diffuse un match de foot (mais faute de championnat anglais ce soir, c'est du championnat espagnol). 
La soirée est consacrée à la rédaction des cartes postales. Et c'est là, en regardant les cartes et en consultant le Routard que nous nous rendons compte que l'église St-Kevin est bel et bien dans le cimetière mais qu'elle y est enterrée !! En fait, comme le tumulus, elle a été recouverte par le sable et n'a été mise au jour qu'au XIXe siècle à la faveur de la tempête. Mais le cimetière, lui, était toujours resté à cet endroit, sur ou sous la dune au gré de l'ensablement...

Dimanche 21 avril : d'Inisheer au Connemara

Sitôt le petit déj' avalé, nous retournons au cimetière pour enfin y trouver l'église St-Kevin, effectivement invisible de l'extérieur. D'après ce que nous en voyons, elle n'a pas totalement été désensablée, car les portes dont il reste les linteaux sont vraiment très basses.


Il s'agit ensuite de trouver la poste pour y mettre nos cartes postales. D'après les indications de l'épicier, elle est à 10 min de marche ; il suffit de tourner à gauche après la barrière, puis de prendre la deuxième à droite. OK. Il ne faut pas traîner car il est bientôt l'heure de notre bateau (10h30). Mais plus nous approchons de la deuxième à droite, plus nous avons l'impression de sortir du village... Nous renonçons et filons au quai. 

10h40 : le bateau arrive. Nous tendons nos billets, mais le gars, embêté, nous explique que non, en fait, nous ne pouvons pas embarquer car pour des raisons obscures de marée, il doit repartir pour Inishmore, mais qu'il repassera à 12h30, pas de problème. Pas de problème, pas de problème... Notre journée au Connemara va être bien amputée avec ces histoires ! 

Puisque nous sommes ici pour deux heures de plus, autant chercher la poste. Nous tournons, virons dans ce village qui n'est pourtant pas bien grand, sans succès. Nous essayons la première à droite, puis le sens inverse (à droite, puis la deuxième à gauche), mais la poste reste introuvable. 
En cours de vadrouille, nous passons devant l'église (l'actuelle). Il est 11h00 et c'est l'embouteillage : tous les véhicules du village sont garés dans la rue adjacente, les voitures comme les tracteurs (munis de leur baquet à l'arrière). Impossible d'y circuler ! De toute façon, personne ne va passer là pour l'instant car c'est la messe et tout le monde y assiste.
Comme nous aurons besoin d'un pique-nique, nous repassons à l'épicerie. Fermée ! Bien sûr, l'épicier est à la messe... 

Quelques virages et tournicotages plus loin, nous croisons notre logeuse qui s'étonne de nous voir errer dans le village avec nos gros sacs sur le dos. Nos explications sont un peu confuses mais elle a l'air de trouver tout à fait normal que nous attendions le bateau de 12h30. 
Nous en profitons pour lui demander où se trouve la poste. Réponse : à 10 min de marche, tourner à droite au terrain de foot (ça correspond à la "deuxième" de l'épicier), sur la colline. Pendant qu'Antoine fait les courses pour midi (la messe est terminée, l'épicerie a rouvert), je file sur la colline. Mais j'ai beau chercher, la poste est aussi bien cachée que l'église St-Kevin hier. Le retour vers l'épicerie puis le quai est fait au pas de course.

12h30 : nous embarquons. Il y a moins d'oiseaux en mer, juste quelques macareux aperçus. Mais il y a pas mal de houle et nous sommes bien brinquebalés, voire presque malades. Je précise que je ne suis pas la seule à verdir et que d'autres ont même dépassé ce stade... Antoine, ce chanceux, a le pied marin, et ne souffre absolument pas du roulis.
A Doolin, notre yaris rouge nous a sagement attendus (encore heureux). Nous trouvons assez facilement une boîte aux lettres. Tout le monde ne les cache pas au fin fond de la cambrousse...

Nous passons d'abord par les Cliffs of Moher, des falaises hautes de 214 m. C'est impressionnant. Elles sont connues pour abriter des colonies d'oiseaux de mer : fulmars, mouettes tridactyles, pingouins tordas et macareux moines. Nous observons en effet de nombreux oiseaux de chaque espèce, mais il aura fallu chercher longtemps avant de trouver 5 macareux qui sortent juste de leurs trous.



Ensuite, c'est la traversée du Burren, où les montagnes ne sont que de gigantesques tas de cailloux. Nous contournons la baie de Galway et entrons au Connemara à Oughterard. C'est sauvage, jaune comme le Kerry, mais moins montagneux au premier abord. C'est une immense tourbière (exploitée par endroits) pleine de lacs de toutes tailles. 
Nous allons jusqu'à la route de l'abbaye de Kilemore pour avoir un aperçu des paysages. Il est déjà tard alors nous ne poussons pas plus loin et revenons par Maam Cross (un carrefour au milieu de nulle part avec un hôtel fermé) à Oughterard où nous trouvons à dormir au B&B d'Edwina. 
Sur ses conseils, nous dînons au pub juste à côté. C'est bon, mais le patron a tendance à confondre viande et poisson : Antoine commande un pavé de saumon et se retrouve avec un steak...

Lundi 22 avril : Connemara, Shannon, Nantes

Ce matin, nous avons droit à notre dernier Irish Breakfast, toujours aussi apprécié !
La matinée est consacrée à un petit tour en voiture dans le Connemara. De toute façon, c'est tellement marécageux qu'on ne voit pas comment une rando aurait pu y être possible. A Maam Cross, nous prenons la route qui part vers le nord pour faire une boucle dans la montagne entre les grands lacs Lough Mask et Lough Corrib. Nous découvrons de majestueux paysages faits d'eau, de montagnes sauvages et d'îlots sur les lacs. 



Nous descendons ensuite vers le sud, Rossaveal et la côte de la baie de Galway. C'est moins accidenté, mais il y a plus de petits lacs partout. Il y a beaucoup de vent sur la côte où nous nous arrêtons pour quelques obs, dont des sternes arctiques ! 

Nous longeons la côte jusqu'à Galway, puis nous nous arrêtons en ville pour acheter quelques souvenirs et avoir un petit aperçu du vieux centre. Après, c'est l'autoroute en direction de Shannon. Nous faisons un dernier arrêt à Ennis pour visiter les ruines (encore) du monastère franciscain. 


Arrivés à l'aéroport de Shannon, nous déposons la voiture chez le loueur quand nous constatons qu'il est déjà 15h20. Pour un embarquement qui ferme à 15h50, c'est un peu juste. Le rangement de la voiture est expédié, tout est bourré en vrac dans les sacs. Un minibus nous conduit à l'aéroport. 
En passant la porte, je vois "Nantes, checking closed". Waouh, instant de panique. Nous courons dans le hall, les douaniers nous indiquent les bureaux d'enregistrement des bagages. Ils sont encore ouverts, ouf ! Et pour une fois, nous n'avons pas de queue à faire ! Ca y est, nous sommes dans la place. Après un rapide passage à la douane puis aux divers contrôles, nous voilà à la porte d'embarquement et il est... 15h50 ! Nous n'avions encore jamais passé aussi peu de temps dans un aéroport...

Un court vol au-dessus des nuages et de la Manche et Nantes est déjà là. Marie, ma soeur, nous récupère et nous ramène chez elle à Rezé. Pour changer de la Guiness, le dîner est arrosé au Côteaux du Layon. Puis avec Marie et François, son mari, nous conduisons Antoine à la gare. 21h26 : son train part pour Redon, je reviens à Rezé avec Marie et François. 
22h20 : un SMS d'Antoine m'annonce qu'à la suite d'une alerte à la bombe en gare de Rennes, le TGV qu'il devait prendre à Redon (et qui passe par Rennes avant) est arrêté jusqu'à nouvel ordre ! Après info, il s'agissait d'une boîte à outils oubliée, mais qui a mis le trafic ferroviaire sens dessus dessous. Vers 23h, l'alerte passée, Antoine embarque dans le TGV en direction du Finistère. 
Pour moi, la fin des aventures franco-irlandaises, ça sera demain, quand un autre train me ramènera en Charente-Maritime.